La machine de répression et d’intimidation est toujours en marche au Togo. Les responsables du Collectif « Sauvons le Togo » Mes Zeus Ajavon et Raphaël Adzaré-Kpandé ont été inculpés hier lundi matin par le doyen du juge d’instruction du tribunal de première instance de Lomé.
Ils ont été assistés par un collège d’avocats mis à leur disposition par le barreau de Lomé. Ce collège est constitué des bâtonniers Ahlonko Dovi, Amegandji, Mes Lawson-Banku, le secrétaire général de la CNDH, Djoka, Agbahé.
Après la notification des charges retenus contre eux par le juge, les deux responsables du CST, ont l’un après l’autre déclaré qu’ils ne reconnaissent pas les faits. Le juge qui voulait directement passé au fond du dossier a vu les avocats de la défense opposé un refus. Ceux-ci ont demandé plus de temps pour prendre connaissance du dossier.
Sur ces faits l’audience fut renvoyée sur demain mercredi, jour où Jil-Benoit Afangbedji absent du pays sera également entendu aussi bien sur la forme que sur le fond.
Nous y reviendrons.
( www.mo5-togo.com )
Point des faits par le CST
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En effet, les 16 et 17 juin 2012, les trois Avocats avaient été invités par simples coups de fil du Capitaine AKAKPO, Chef du service de Recherches et d’Investigations (SRI) de la Gendarmerie nationale du Togo et abusivement détenus dans les locaux de ce service, avant d’être présentés tard dans la soirée du dimanche, 17 juin 2012 au parquet d’instance où le 7e Substitut du procureur près le Tribunal de Lomé leur notifia qu’une information venait d’être ouverte contre eux pour violences volontaires, destructions et dégradations volontaires dans le cadre des manifestations organisées pas le CST les 27 avril 2012 et 12, 13 et 14 juin 2012. Le 7e Substitut du procureur ajouta qu’une citation leur parviendra en vue de leur comparution à une audience le mercredi, 20 juin 2012. Rappelons que ces manifestations qui n’avaient fait l’objet d’aucune interdiction par les autorités administratives compétentes, ont fait l’objet de violentes répressions policières, occasionnant 3 morts, plus d’une centaine de blessés, 54 arrestations, ainsi que la confiscation du matériel du CST (sonorisation, deux voitures, le podium…).
Point de droit
– Sur le principe de la liberté de manifestation et de réunion
La liberté de manifestation et de réunion est reconnue et prévue par l’article 30 de la Constitution du 14 octobre 1992 et réglementée par la Loi N° 2011- 010 du 16 mai 2011 fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestation pacifiques publiques.
L’article 30 dispose que : « L’Etat reconnaît et garantit dans les conditions fixées par la loi, l’exercice des libertés d’association, de réunion et de manifestation pacifique et sans instruments de violence. »
La loi du 16 mai 2011 suscitée adopte, pour les réunions et manifestations pacifiques publiques, un régime de d’information ou de déclaration préalable.
– Sur la forme : le respect des formalités administratives
Une correspondance a été adressée au Président de la Délégation Spéciale de la Ville de Lomé (autorité habilitée par la loi du 16 mai 2011), qui a simplement pris acte des manifestations. Une rencontre a eu lieu entre les responsables du CST et le Ministre de la Sécurité et de la Protection Civile et son collègue de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités Locales. Les deux ministres ont rassuré les responsables du CST qu’ils prendront toutes les mesures pour assurer la couverture sécuritaire des manifestations. Ils sont mêmes intervenus en duo sur les chaînes de la Télévision nationale pour réaffirmer cette assurance.
– Sur le fond : le principe de la personnalité des délits et des crimes
La loi du 16 mai 2012 prévoit la responsabilité pénale personnelle de quiconque, de tout individu qui, au cours d’une réunion ou manifestation pacifique publique, se serait rendu coupable d’une quelconque infraction que soit. Cette loi a, par respect du principe général de droit qui consacre le principe de la personnalité des délits et des crimes, exclut forcément la responsabilité pénale collective et celle des organisateurs. En conséquence, les organisateurs d’une manifestation ou d’une réunion pacifique publique n’engagent pas leur responsabilité pénale, pour le seul et simple fait qu’ils sont organisateurs. La responsabilité pénale des organisateurs n’est donc pas automatique.
En outre, l’article 18 de la loi du 16 mai 2011 renvoie au code pénal en ce qui concerne les infractions ou les cas non prévus par cette loi en ces termes : « Les infractions autres que la destruction ou la dégradation volontaire de biens, commises à l’occasion des réunions ou manifestations publiques, sont punies conformément aux dispositions du code pénal. »
Le parquet vise l’article 183 du code pénale qui dispose : « Lorsque, du fait d’une action concertée menée à force ouverte par un groupe, des violences ou voies de fait auront été commises contre les personnes, ou que les destructions ou dégradations auront été causées aux biens des riverains ou des véhicules en stationnement ou en circulation, les instigateurs et les organisateurs de cette action ainsi que ceux qui y auront participé volontairement, seront punis d’un emprisonnement de un à cinq ans sans préjudice des peine plus fortes prévues par la loi. »
Seulement, voici : cette disposition (article 183 du code pénal) prévue par la Loi numéro 90-23 du 23 novembre 1990, portant modification du Code pénal et au mépris du principe de la personnalité des délits et des crimes, a été abrogée par la loi du 16 mai 2011 qui dispose en son article 26 que : « Sont abrogées, toutes dispositions antérieures contraires à la présente loi. »
Pour mémoire, cette loi a été adoptée dans les années 1990 pour briser les soulèvements occasionnés par les mouvements du 5 octobre 1990 et porte le fameux nom de la loi anti-casseur.
Conséquence, la responsabilité des organisateurs d’une manifestation ou d’une réunion pacifique publique ne peut être engagée sur la base d’un texte qui n’existe pas dans l’ordonnancement juridique.
– Sur la complicité
L’article 14 du code pénal définit le régime de la complicité :
« Sont considérés comme complices de l’infraction ceux qui, sciemment ont :
– Provoqué l’action en donnant des renseignements ou des instructions ;
– Procuré des instruments, armes, véhicules ou tout autre moyen utile à la préparation, la consommation de l’action ou pour favoriser l’impunité de ses auteurs ;
– Aidé ou assisté les auteurs de l’infraction dans les faits qui l’auront préparée, facilitée ou consommée. »
Dans le cas d’espèce, les trois Avocats n’ont rien commis de pareil qui puisse entrer en ligne de compte des trois cas du régime de la complicité strictement prévus.
Il appartient donc au parquet d’en faire la démonstration le moment venu.
Il n’est pas superfétatoire de rappeler que la justice togolaise fait l’objet d’une instrumentalisation à outrance à des fins politiques de la part du régime en place.