Patrice Motsepe, un noir milliardaire philanthrope sud-africain est la 8ie fortune africaine.

by mtn on February 9, 2013

Patrice Motsepe,le milliardaire sud-africainPatrice Motsepe, 51 ans, magnat minier et milliardaire noir, a annoncé le 30 janvier qu’il ferait don de la moitié de sa fortune à la fondation caritative qui porte son nom. Un tournant, alors que la bourgeoisie noire proche du pouvoir se voit souvent reprocher de ne pas investir dans sa propre communauté

Huitième fortune africaine selon le magazine américain Forbes, avec 2,65 milliards de dollars, Patrice Motsepe était jusqu’à présent connu pour son absence de complexe à l’égard de l’argent. « Il n’y a pas plus de problème à être riche et noir qu’à être riche et blanc », l’a-t-on souvent entendu dire, au moment où la charte de Black Economic Empowerment (BEE) dans le secteur minier a été négociée entre les grands groupes miniers détenus par des investisseurs blancs et le gouvernement du Congrès national africain (ANC).

Cette charte a prévu en 2002 de faire passer en dix ans 26% de l’industrie minière du pays entre des mains noires, et lui a largement bénéficié. Elle lui a permis, comme à quelques autres, de multiplier les transactions et les investissements. Entré dans le classement Forbes en 2008, au rang de 503ème fortune mondiale, Patrice Motsepe est devenu en 2012 l’homme le plus riche d’Afrique du Sud, selon un classement du Sunday Times, avant Nicky Oppenheimer, ex-PDG du groupe De Beers.

Avec ce don impressionnant, qui concerne la moitié de ses avoirs familiaux (environ 100 millions d’euros selon les estimations des experts), un cap symbolique est franchi. Désormais, on ne pourra plus reprocher aux milliardaires noirs de ne pas redistribuer leur argent en Afrique du Sud.

D’abord avocat d’affaires, Patrice Motsepe, fondateur du groupe minier African Rainbow Minerals (ARM), actif dans l’or, le platine et les métaux ferreux, réussit avec son annonce un grand coup de communication. Il est le premier Africain et le premier ressortissant non Américain à répondre au Giving Pledge, un appel lancé par deux philantrophes américains, Warren Buffett, un investisseur, et Bill Gates, le fondateur de Microsoft, pour que les plus riches aux Etats-Unis partagent leur fortune. L’argent de Patrice Motsepe ne va pas transiter par des fondations américaines, mais être directement versé à sa propre fondation, qui va se doter d’un conseil d’administration comprenant des personnalités reconnues du clergé et du monde associatif. Leur mission : piloter des projets destinés aux nécessiteux.

L’ubuntu, socle d’une nouvelle philantrophie africaine ?

Mais pas question de paraître trop américain. « Les Sud-Africains sont un peuple attentionné, compatissant et aimant, a déclaré Patrice Motsepe dans un communiqué le 30 janvier. Cela a toujours fait partie de notre culture et de notre tradition d’assister et de se préoccuper des moins fortunés et des membres marginalisés de nos communautés. Cette culture est incarnée dans l’esprit et la tradition de l’ubuntu / botho. » Ubuntu signifie « humanité » en zoulou et en xhosa, et son équivalent est « botho » en sisotho (la langue du Lesotho, du Botswana et de l’ethnie des Tswanas en Afrique du Sud).

Voilà donc Patrice Motsepe surnommé le « Bill Gates de l’Afrique », alors qu’il était surtout connu pour ses dons généreux à l’ANC ou à la Fondation Jacob Zuma. Cet argent « va être utilisé pendant sa vie et après afin d’améliorer le quotidien et les conditions de vie des Sud-Africains pauvres, handicapés, chômeurs, les femmes, les jeunes et les ouvriers », a déclaré sa femme, Precious Motsepe. Le grand patron se montre pionnier dans son pays. Bien des fortunes noires sud-africaines se font plus remarquer par leurs dépenses ostentatoires que par leur engagement social ou caritatif. Et ce, alors que les townships dont ils viennent sont confrontés à d’innombrables problèmes sociaux.

Patrice Motsepe, né le 28 janvier 1962 à Soweto, est un fils d’institutrice et de propriétaire d’un spaza shop, une petite épicerie, qui a vu ses parents aider les plus pauvres pendant l’apartheid. Il prend à bras le corps le problème de la responsabilité sociale des plus riches, vingt ans après la fin de l’apartheid, dans ce qui reste l’une des sociétés les plus inégalitaires au monde. Propriétaire d’un club de football à Pretoria, les Mamelodi Sundowns, il cumule lui-même les postes dans les conseils d’administration des plus grands groupes sud-africains, en tant que vice-président des assurances Sanlam et directeur non exécutif de la banque Absa comme du groupe aurifère Harmony Gold.

Un tournant symbolique après le massacre de Marikana

Après le massacre de Marikana, qui a vu 34 mineurs en colère tués par des balles de la police, le 16 août 2012, lors d’un conflit social, la position de la bourgeoisie noire proche du pouvoir est devenue intenable. La lumière faite à cette occasion sur les conditions de vie difficiles des mineurs a rendu le contraste encore plus flagrant avec les fortunes amassées par les hommes d’affaires noirs. Et le Congrès national africain (ANC), au pouvoir, a été critiqué dans ses propres rangs, pour la culture d’enrichissement personnel et d’accaparement des positions de pouvoir qui règne désormais en son sein.

Le nouveau vice-président de l’ANC, Cyril Ramaphosa, qui fut bien avant Patrice Motsepe le premier milliardaire noir de la « nouvelle » Afrique du Sud, a été pris à partie après la tragédie. Ce poids lourd de l’ANC siège en effet au conseil d’administration de Lonmin, la société de platine qui refusait une augmentation de salaires réclamée par les mineurs en grève. Pour avoir taxé les grévistes de « criminels » parce qu’ils avaient tué deux policiers, quelques jours avant le massacre du 16 août, Cyril Ramaphosa a ensuite été cloué au pilori par Julius Malema, jeune leader exclu de l’ANC en avril pour indiscipline, mais toujours influent ; un populiste qui réclame la nationalisation des mines en Afrique du Sud, pour mieux redistribuer les richesses nationales.

Contrairement à Cyril Ramaphosa et d’autres grands noms du black business, comme Tokyo Sexwale, Tito Mboweni (président d’Anglogold Ashanti), Saki Macozoma, Patrice Motsepe n’a pas de liens officiels avec le parti au pouvoir. Mais il fait partie de la grande famille de l’ANC. L’une de ses sœurs est en effet la femme de Cyril Ramaphosa, et l’autre, Bridgette Radebe, femme d’affaires en vue dans le secteur des mines, est aussi l’épouse de Jeff Radebe, le ministre de la Justice. Difficile de croire que Patrice Motsepe n’ait pas mûri sa décision sans en parler d’abord avec son beau-frère, Cyril Ramaphosa, en bonne position pour devenir en 2019 le prochain président de l’Afrique du Sud, après le second mandat de Jacob Zuma.

Sabine Cessou /rfi

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