Les révélations de Kpatcha à son procès et les câbles diplomatiques révélés par Wikileaks jettent un éclairage nouveau sur la déliquescence de l’État togolais, les pratiques manipulatoires et instrumentales des services secrets et diplomatiques ainsi que la responsabilité des pays occidentaux dans le désordre togolais.
Seul un État de droit, démocratique , libre et prospère pourrait sauver le Togo et les Togolais du chaos politique, économique et social.
Jugez-en vous-mêmes!
1-Câble de Wikileaks
2009-01-14 Hawkins demande à Faure de faire arrêter le député Minsoabe Barnabo pour trafic de drogue et questionne sur l’implication de membre de la famille Gnassingbé ; Faure reconnait l’implication d’un frère qu’il ne nomme pas
Résumé Le président Faure a demandé une réunion avec l’ambassadrice Hawkins pour discuter sur le trafic croissant drogue au Togo, spécialement une organisation de trafic de drogue (DTO) arrêtée à Lomé. Il a discuté franchement et en toute connaissance les détails de cette affaire, le besoin d’une coopération croissante entre le Togo et les Etats-Unis, et les difficultés pour traiter ce problème. L’ambassadrice a insisté sur le besoin de prendre une position ferme sur les problèmes de drogue et a informé le président de l’engagement des Etats-Unis pour continuer son assistance au Togo. Même si Faure semble vouloir aller de l’avant, seul le temps dira s’il est vraiment capable de prendre les mesures. Fin de résumé Le président a commencé la conversation en disant à l’ambassadrice qu’il avait demandé la réunion initialement à cause du manque d’action concernant l’extradition de Jorge Solano-Cortez. Il a exprimé sa satisfaction en apprenant que l’extradition aurait lieu le lendemain. L’ambassadrice Hawkins a expliqué que c’est la lenteur du procureur togolais (qui préparait son propre dossier) qui a causé ce délai. Le président Faure s’est enquis aussi de l’extradition de Willem Zadieh, le meneur du groupe. L’ambassadrice Hawkins a expliqué que les Etats-Unis n’avaient pas de mandat d’arrêt contre lui mais qu’ils en étudiaient la possibilité. L’ambassadrice Hawkins a souligné l’importance de prendre publiquement position contre le trafic de drogue, en se référant spécifiquement au fait que le député togolais Minsoabe Barnabo soupçonné d’être le principal facilitateur togolais du DTO, doit encore être arrêté du fait de son immunité parlementaire. (Note : il a été déterminé par la suite que Barnabo n’était pas au Togo mais en France pour des raisons médicales. Fin de note). Elle a indiqué que les gens penseront que le président Faure n’a pas la volonté de combattre le trafic de drogue s’il laisse Barnabo libre. Faure l’a assuré que la volonté est présente et a vaguement décrit les prochaines étapes pour arrêter le député. L’ambassadrice s’est enquise des dispositions spécifiques du Code Pénal togolais qui stipulent qu’il n’y a pas d’immunité pour les parlementaires qui ont commis de graves crimes comme le meurtre ou le trafic de drogue ; le Président Faure a promis d’examiner cela. Le Président Faure a exprimé son intérêt pour une coopération continue entre le gouvernement togolais et le gouvernement américain. Il a indiqué que le système judiciaire togolais n’était pas capable de prendre en charge des cas de cette importance. Les luttes internes entre les différentes forces de sécurité – gendarmerie, police et service de renseignement ne permettent pas d’obtenir des informations fiables. Faure a exprimé le besoin de plus de formation non seulement sur les problèmes de sécurité intérieure mais aussi sur des formations spécifiques notamment sur la drogue. Il était heureux d’apprendre que la venue au Togo d’une équipe d’évaluation était planifiée pour évaluer les enjeux de la lutte antidrogue à travers le système entier de justice criminelle. Le président a ensuite exprimé son intention de demander à l’ANR (Agence Nationale de Renseignement) de partager avec les autorités américaines les noms des personnes suspectées de trafic de drogue et de mettre en place une base de données criminelle. Le Président a montré la profondeur de sa compréhension des problèmes quand il a discuté des possibles solutions. Il a noté qu’il n’y a pas de volonté politique au Togo ou en Afrique de l’Ouest en général de combattre le trafic de drogue. Quand il a été questionné sur la participation de sa famille dans le trafic, il a dit avoir parlé à son frère (il n’a pas précisé quel frère) et n’avait pas l’intention de soutenir des activités illégales, quelque soit celui qui y est impliqué. Le Président Faure a aussi indiqué que l’argent de la drogue pourrait influencer le processus électoral au Togo, ce qui pourrait déstabiliser encore plus un pays déjà faible. Il a dit que les pays africains ne coopèrent pas autant entre eux sur les problèmes de drogue qu’ils le font avec les Etats-Unis. L’ambassadrice a indiqué que puisqu’il est quasi impossible d’arrêter complètement le trafic de drogue, la meilleure stratégie est de rendre plus difficile pour les trafiquants d’opérer. Commentaire Le Président Faure a passé environ 45 minutes avec uniquement l’ambassadrice et PolOff ; il n’y avait aucun conseiller présent dans la réunion. Il était communicatif et a fait des commentaires avisés sur les conséquences possibles de l’expansion du trafic de drogue au Togo. L’ambassadrice Hawkins a été franche avec le président à propos de la nécessité qu’il soit considéré comme un partenaire fiable dans la lutte contre le crime et la corruption. Cependant, bien que Faure ait exprimé à de nombreuses occasions qu’il souhaite réprimer le trafic de drogue, l’ambassade attend toujours de voir des actions concrètes (comme l’arrestation du député Barnanbo) qui supportent ses paroles. Fin de commentaire.
HAWKINS
http://www.wikileaks.org/cable/2009/01/09LOME14.html
2-Procès d’atteinte à la sûreté de l’Etat : Enfin Kpatcha Gnassingbé relate sa version des faits
Troisième audience de l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat ce mercredi 7 septembre au Palais de justice de Lomé. Le demi-frère du président de la République et député à l’Assemblée nationale au moment des faits, Kpatcha Gnassingbé, le principal accusé de l’affaire passe enfin à la barre cet après-midi, à la reprise de la séance. Quand enfin vers 15h23 minutes, après avoir renvoyé le capitaine Adjinon Lambert au box des accusés, le président de la Cour Pétchélébia Abalo invitera « M. Kpatcha Gnassingbé à la barre», tout un bourdonnement et des murmures envahirent la salle.Et puis très vite, place à un silence plateau ! Chacun se remet bien sur son séant. À toutes les entrées de la grande salle du palais, civils comme hommes en tenue, se bousculent pour se frayer la moindre place pouvant permettre de mieux suivre la version des faits selon Kpatcha Gnassingbé. « Reconnaissez-vous les faits qui vous sont reprochés ? », demande le juge.« Je ne les reconnais pas, mais je suis député M. le président, que faites-vous de mon immunité ? », répond vertement Kpatcha Gnassingbé. « Il s’agit là d’une exception qui est versée au fond », rétorque Pétchélébia Abalo.
L’audience de ce mercredi a donc repris avec Kpatcha Gnassingbé à la barre. Tout en niant les faits qui lui sont reprochés, ce dernier a reconnu avoir été contacté par un agent de l’ambassade des USA (M. Bawa) au sujet de la mauvaise gestion du dossier des officiers trafiquants de drogue par Faure Gnassingbé. Selon le principal accusé, l’agent de l’ambassade lui aurait dit que les USA apprécieraient mieux sa façon de faire et qu’une mitunerie serait en préparation. Et c’était “uniquement” dans le souci de conserver le pouvoir (dans leur camp) qu’il (Kpatcha) aurait pris attache avec l’officier ATTI, un commandant qui devrait diriger le gouvernement de transition issu du coup. Un plan qu’il aurait abandonné lorsqu’il a découvert un flou. Il a la conviction que Bawa est surtout un agent de l’officier Titikpina qui préparerait un coup d’Etat de son côté. Avant de quitter la barre, Kpatcha Gnassingbé a demandé au Tribunal de convoquer Bawa qui serait toujours à l’ambassade des USA à Lomé.